Les grandes éruptions volcaniques ont tendance à refroidir le climat durant quelques années. En effet, elles libèrent d'énormes quantités de soufre injectées dans la stratosphère qui se transforment en aérosols, atténuant ainsi le rayonnement solaire. L'effet était connu mais restait difficilement quantifiable. Une équipe internationale vient de présenter une nouvelle méthode pour mesurer et simuler avec précision le refroidissement induit.

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    Entre juin et septembre 1991, l'éruption du stratovolcan Pinatubo, aux Philippines, a envoyé dans l'atmosphère 10 km3 de matériaux solides et 20 millions de tonnes de dioxyde de soufre dans la stratosphère. Ces aérosols absorbent le rayonnement solaire et ont donc un effet refroidissant mais qui a sans doute été surestimé jusque-là. © Nasa, Giss

    Entre juin et septembre 1991, l'éruption du stratovolcan Pinatubo, aux Philippines, a envoyé dans l'atmosphère 10 km3 de matériaux solides et 20 millions de tonnes de dioxyde de soufre dans la stratosphère. Ces aérosols absorbent le rayonnement solaire et ont donc un effet refroidissant mais qui a sans doute été surestimé jusque-là. © Nasa, Giss

    L'éruption du volcan Pinatubo, survenue aux Philippines en juin 1991 et considérée comme la plus importante du XXe siècle, a injecté 20 millions de tonnes de dioxyde de soufresoufre dans la stratosphère et provoqué un refroidissement global moyen de 0,4 °C. Pour quantifier le refroidissement temporaire induit par les grandes éruptions de magnitudemagnitude supérieure à celle du mont Pinatubo survenues ces 1.500 dernières années, les scientifiques ont généralement recours à deux approches : la dendroclimatologie, basée sur l'analyse des cernes de croissance des arbres, et la simulation numériquesimulation numérique en réponse à l'effet des particules volcaniques.

    Mais, jusqu'à maintenant, ces deux approches fournissaient des résultats assez contradictoires, ce qui ne permettait pas de déterminer avec précision l'impact des grandes éruptions volcaniques sur le climat. Les refroidissements simulés par les modèles de climat étaient en effet deux à quatre fois plus importants et duraient plus longtemps que ce que les reconstitutions dendroclimatiques établissaient. Les écarts entre ces deux approches ont même conduit certains géophysiciens à douter de la capacité des cernes de croissance d'arbres à enregistrer les impacts climatiques des grandes éruptions volcaniques passées et à remettre en cause la capacité des modèles à les simuler fidèlement.

    Aujourd'hui, des chercheurs de l'université de Genève (Unige), de l'Institut de recherche pour le développement (IRD), du Centre national de la recherche scientifique (CNRS) et du Commissariat à l'énergieénergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) sont parvenus à réconcilier les deux approches. Leur méthode permet d'estimer avec précision les effets que pourraient avoir les futures éruptions de forte magnitude sur le climat, pour ensuite mieux anticiper leurs impacts sur nos sociétés. Elle est présentée dans la revue Nature Geoscience.

    Des images du Tambora et sa localisation en Indonésie sur l'île de Sumbawa. Son éruption en 1815 a provoqué l'année suivante un refroidissement d'environ 1 °C dans l'ensemble de l'hémisphère nord. © <em>Volcanological Survey of Indonesia</em>/Nasa

    Des images du Tambora et sa localisation en Indonésie sur l'île de Sumbawa. Son éruption en 1815 a provoqué l'année suivante un refroidissement d'environ 1 °C dans l'ensemble de l'hémisphère nord. © Volcanological Survey of Indonesia/Nasa

    L'effet refroidissant des aérosols surestimé dans le rapport du Giec

    Dans cette équipe pluridisciplinaire, les dendrochronologues ont réalisé une nouvelle reconstitution des températures estivales de l'hémisphère nord pour les 1.500 dernières années. Ils ont analysé la largeur mais surtout la densité de cernes d'arbres, qui est très sensible aux variations de température et qui avait été négligée par le passé. Les données ont été récoltées à travers tout l'hémisphère nord, de la Scandinavie à la Sibérie, en passant par l'Alaska, les Alpes, les Pyrénées et le Québec. Toutes les éruptions majeures ont ainsi été clairement détectées dans cette reconstitution. Les résultats ont montré que l'année qui suit une grande éruption est caractérisée par un refroidissement plus prononcé que celui observé dans les reconstitutions précédentes. Ces refroidissements ne semblent toutefois pas persister plus de trois ans à l'échelle hémisphérique.

    Les physiciensphysiciens du climat ont, quant à eux, calculé le refroidissement engendré par les deux plus grandes éruptions du dernier millénaire, les éruptions du Samalas et du Tambora, toutes deux survenues en Indonésie en 1257 et 1815, à l'aide d'un modèle climatique sophistiqué. Ce modèle prend en compte la localisation des volcansvolcans, la saisonsaison de l'éruption, la hauteur d'injection du dioxyde de soufre et il intègre un module microphysique capable de simuler le cycle de vie des aérosolsaérosols volcaniques depuis leur formation, suite à l'oxydationoxydation du dioxyde de soufre, jusqu'à leur sédimentationsédimentation et élimination de l'atmosphèreatmosphère.

    « Cette approche inhabituelle permet de simuler de façon réaliste la taille des particules d'aérosols volcaniques et leur espérance de vieespérance de vie dans l'atmosphère, ce qui conditionne directement l'ampleur et la persistance du refroidissement provoqué par l'éruption », explique Markus Stoffel, chercheur à l'Unige. Ces nouvelles simulations montrent que les perturbations des échanges de rayonnement dues à l'activité volcanique étaient largement surestimées dans les simulations précédentes, utilisées dans le dernier rapport du Giec (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climatGroupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat).

    Pour la première fois, les résultats produits par les reconstitutions et les modèles climatiquesmodèles climatiques convergent quant à l'intensité du refroidissement et démontrent que les éruptions de Tambora et du Samalas ont induit, à l'échelle de l'hémisphère nord, un refroidissement moyen oscillant entre 0,8 et 1,3 °C pendant les étés 1258 et 1816. Les deux approches s'accordent également sur la persistance moyenne de ce refroidissement évaluée à deux ou trois ans. Ces résultats ouvrent la voie à une meilleure évaluation du rôle du volcanismevolcanisme dans l'évolution du climat.