Les planaires, des vers plats aquatiques, sont réputés pour leur capacité à régénérer des parties manquantes de leur corps. Si les gènes impliqués ont déjà été identifiés, on ne savait pas quelle population cellulaire contrôlait le processus. Il semble que ce soit les cellules musculaires. Une surprise pour tout le monde.

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    L'Homme aime s'inspirer de ce qu'il observe dans la nature. Et parmi les êtres mystérieux qui suscitent beaucoup de fantasmes, on trouve les planaires. Ces vers plats aquatiques possèdent une capacité exceptionnelle de cicatrisation, mais surtout ils sont capables de régénérer intégralement toutes les régions manquantes qui auraient été dévorées par un prédateur. Décapitez-les et leur tête repoussera et retrouvera même les souvenirs qui étaient stockés. Mieux encore : une seule de leurs cellules souches suffit à donner naissance à une planaire entière et bien formée. 

    Évidemment, de telles aptitudes laissent rêveur. Et les scientifiques tentent d'élucider le mystère de ces vers afin de réutiliser ces propriétés au bénéfice de l'Homme. Depuis que ces animaux sont étudiés, certains de leurs secrets ont été percés. Il y a peu, l'équipe de Peter Reddien, chercheur au MIT, révélait par exemple que les processus de régénération étaient dus à des cellules souches adultes appelées cNeoblasts.

    Mais comment ces cellules savent-elles où se positionner et en quelles cellules se différencier ? Il a été montré que plusieurs gènes (appelés GCP, pour gènes de contrôle de la position) interviennent dans ce phénomène. Parmi eux : WntBmp ou Fgf, également retrouvés chez d'autres animaux, y compris chez nous. Restait à déterminer quel type cellulaire régule tout cela. Peter Reddien et ses collègues viennent de montrer dans Cell Reports, et à leur grande surprise, que ce pouvoir revient au muscle.

    Les planaires montrent leurs muscles

    L'étude est simple. L'expression des CPG a été observée chez les vers plats. Tous les gènes testés sont plus actifs dans une seule et unique population cellulaire. Ils sont systématiquement associés au collagène, un marqueur spécifique de l'activité des fibres musculairesfibres musculaires sous-cutanées de la paroi du corps des planaires. Ce sont donc ces cellules qui contrôlent la position et la différenciation des cNeoblasts.

    Ce schéma, issu de la publication, explique mieux la disposition et l'interaction entre les différents acteurs de la régénération tissulaire chez les planaires. Le tissu musculaire (<em>muscle</em>) repose sous l'épiderme (<em>epidermis</em>) des vers plats. Par l'expression de certains gènes, ils favorisent la différenciation des cellules souches appelées <em>neoblasts</em>. © Jessica Witchley <em>et al.</em>, <em>Cell Reports</em>

    Ce schéma, issu de la publication, explique mieux la disposition et l'interaction entre les différents acteurs de la régénération tissulaire chez les planaires. Le tissu musculaire (muscle) repose sous l'épiderme (epidermis) des vers plats. Par l'expression de certains gènes, ils favorisent la différenciation des cellules souches appelées neoblasts. © Jessica Witchley et al.Cell Reports

    Une découverte inattendue pour ces scientifiques, qui finalement ne sont pas si étonnés que ça. Alors que le muscle de la paroi du corps des vers plats était jusque-là associé à la mobilité, à la réponse au toucher ou au « squelette » (non osseux) des animaux, la répartition des fibres musculaires, sur l'ensemble du corps, fait de cet organe le tissu idéal pour la régénération.

    Des processus de régénération équivalents chez l’Homme ?

    En effet, lorsque l'animal est amputé d'une partie de son organisme, il répond en se contractant de manière à refermer la blessure. Les GCP s'expriment alors, et on ignore encore comment exactement, l'information est transmise aux cNeoblasts, qui se différencient et permettent la cicatrisationcicatrisation complète.

    L'ensemble du mystère est encore loin d'être levé, et les scientifiques prévoient déjà d'orienter leurs recherches sur la communication qui existe entre les fibres musculaires et les cellules souches. Il faudra aussi déterminer si ce potentiel existe également chez d'autres animaux. On sait par exemple que certaines espècesespèces, comme la salamandre ou, dans une moindre mesure, des mammifères comme les souris, sont capables de régénération. Utilisent-elles ce même processus ? L'objectif ultime étant de mieux contrôler les cellules humaines, pour des applications médicales permettant de remplacer les tissus ou organes manquants. Mais l'aboutissement de ces travaux est encore bien lointain.